Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/281

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moi-même : « En voilà un d’heureux ! Elle doit en avoir eu des prétendants, celle-là ! Mais qui sait ? c’est peut-être un vieux qui est riche, un veuf qui regrettera sa première femme avec elle ; ou bien un parent, un cousin, jeune, mais laid et indifférent, qui ne l’aime pas. Le monde est si hasard, que l’envers et l’endroit, ça ne se rencontre jamais bien ! C’est dommage tout de même ! »

« Puis, pendant que j’étais à genoux pour lui attacher ses boucles d’argent sur le cou-de-pied :

« — Vous allez donc vous marier, mam’selle, sans être trop curieuse ? que je lui dis.

« — Oui, me répondit-elle avec un son de voix fier et empressé, comme si elle avait attendu ma question, impatiente d’y répondre ; je suis fiancée du printemps dernier, et je me marie la semaine qui vient.

« — Ah ! repris-je en continuant et en la flattant de la voix, comme vraiment je la flattais du cœur en moi-même, tant je la trouvais prévenante ; ah ! et en êtes-vous contente de vous marier ?

« — Je crois bien, dit-elle, que j’en suis contente ! Demandez plutôt à toute la montagne si mon fiancé n’est pas le plus honnête garçon du pays ? »

« J’avais fini d’attacher les boucles, je me relevai toute rouge et tout heureuse de servir cette belle enfant : je la fis asseoir sur mon lit, je lui agrafai son collier, je lui relevai ses longs cheveux sous sa coiffe, je lui passai ses boucles d’oreilles, je lui épinglai la plus fine de ses collerettes sur la poitrine, je pris le miroir à la fenêtre, je le lui mis dans la main et je lui dis :

« — Regardez-vous maintenant, et voyez si votre fiancé serait content.

« — Oh ! ce n’est pas pour lui, dit-elle, il m’aime tant ! il n’a pas besoin de tous ces attifements pour être bien