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dans le palais de laquelle elle avait été élevée à ***, sa nourrice, son tuteur, le prince *** et quelques abbés ou monsignori, parents et habitués de sa maison, qui fréquentaient à Rome ou à *** les salons de la comtesse Livia. Mais Clotilde avait un père, une mère, un frère surtout, compagnon et ami de sa première enfance, maintenant relégué dans sa première patrie. Elle adorait ce frère ; elle en parlait sans cesse à son amie, qui ne se lassait jamais de ramener l’entretien sur lui. Elle voulait savoir son âge, sa figure, sa taille, ses traits, son caractère, la couleur de ses yeux et de ses cheveux, jusqu’au son de sa voix et aux habitudes de ses gestes.

Clotilde lui disait : « Je n’ai pas besoin de te faire et de te refaire sans cesse son portrait. Regarde-moi : jamais la nature n’a fait deux êtres plus parfaitement semblables de visage, de cœur et d’âme, que mon frère et moi. Nous avons été portés dans le même sein, par la même mère, à peu près dans le même temps, au milieu des mêmes pensées de malheur, de proscription, d’exil, qui attendrissaient et assombrissaient le même cœur : nous sommes nés dans les mêmes climats nuageux, au bord et au bruit des tempêtes du même Océan : nous avons erré ensemble dans les mêmes berceaux, sur les mêmes vagues, cherchant et perdant tour à tour les mêmes asiles ; nous avons passé ensuite ensemble dans ces mêmes palais et dans ces mêmes villas de Rome, devenue notre troisième patrie ; nous y avons épanoui ensemble, comme deux plantes frileuses transplantées au Midi, nos corps, nos yeux, nos âmes à ton beau soleil ; nous y avons cependant nourri toujours ensemble les souvenirs lointains de nos premiers ciels et de nos premières infortunes, en sorte que nous avons l’un et l’autre conservé quelque chose de l’ombre triste et froide de la Bretagne, dans le rayonnement exté-