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dire à tout le monde : « Oui, j’ai été sa femme et je serai la mère de son enfant ! » Les filles qui aiment éperdument, ça s’honore de son amour au lieu d’en rougir ! Mais je lui disais : « Le nom et l’honneur de la famille ne t’appartiennent pas ; veux-tu me déshonorer et me perdre avec toi ? Veux-tu avilir la mémoire de notre pauvre mère, la réputation de notre bon frère dans son régiment ? Veux-tu qu’on dise : « Voilà comme sa mère l’a élevée ! voilà comme sa sœur l’a gardée ! voilà le frère de deux mauvaises filles de Voiron ! » Elle comprenait cela, monsieur, et elle disait alors comme moi, elle me promettait tout ce que je voulais.


LXVI


« Mais l’homme propose et Dieu dispose ; il y a longtemps qu’on le dit.

« Voilà, monsieur, qu’une nuit terrible, ah ! plus terrible que toutes les autres, juste sept mois après le mariage secret de ma sœur, le malheur arrive ! Je n’ai que le temps de courir pieds nus appeler tout bas une sage-femme, aussi secrète et aussi sûre qu’un cadenas ; je lui fais jurer le silence. Elle se glisse sous l’ombre des murailles, elle reçoit l’enfant dans ses bras ; un garçon, monsieur. Dieu ! que faire ? rien de prêt, tous mes plans renversés, un enfant à cacher, à nourrir, à emmailloter, la publicité, la honte, le déshonneur, la mort ou la perte de Josette ! Jugez de ma confusion, de mon désespoir ! Je n’avais pas le temps de la réflexion. La sage-femme était heureusement discrète comme la tombe : « Que faire ? que je lui dis. — « Mam’selle Geneviève, qu’elle me dit, c’est un malheur ;