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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/337

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et le vendre à la Saint-Martin ; nous ne pouvons pas nourrir pour rien une bête qui s’engraisse de nous sans nous rien rapporter. » Ah ! c’est que, savez-vous, l’économie chez ces gens-là, ça n’avait ni égards, ni pitié, ni yeux, ni oreilles, ni si, ni mais ; il fallait que tout rendît quelque chose. Une fois qu’elle avait donné sa laine, la pauvre bête n’avait plus rien à donner que sa tendresse et son plaisir à moi ; ça n’était pas dans mes conditions.


XCI


« — Eh bien, que je dis un jour à madame, puisque l’agneau vous fait de la peine pour le pain, je le nourrirai, si vous le permettez, sur mes gages. Rabattez douze francs sur les trente-six francs que vous me donnez par an, et n’en parlons plus. Vous aurez la laine et moi l’amitié ; nous serons tous contents. »

« Monsieur et madame calculèrent sur leurs doigts, se mirent à rire et dire :

« — Nous voulons bien.

« Je n’eus plus que vingt-quatre francs, et l’agneau eut sa nourriture avec moi, au pied du banc, à côté du chien. Tout alla bien jusqu’aux approches de l’autre Saint-Martin.

« Mais voilà qu’un soir que j’étais sortie pour traire la vache et que j’avais laissé le seau de lait et la porte de l’étable pour faire la litière, ce gourmand d’agneau, monsieur, voit le lait tout écumant devant lui, trempe la tête dans le seau et se met à le boire ! Il n’en but pas pour un liard peut-être, monsieur, il le flairait plutôt ; mais voilà que la fenêtre de madame s’ouvre en face et qu’elle jette