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XXII


À la fin et tout à coup, Régina changea de visage, et parut, on ne sait comment, intérieurement calme et comme à demi consolée. Elle m’a raconté elle-même comment s’opéra soudainement en elle ce phénomène, qu’elle appelait, comme toutes les Italiennes, un miracle de la Madonna du Pausilippe. « Un soir, me disait-elle, je descendis de calèche, aux sons de la cloche qui appelait les passants à une bénédiction, devant une petite chapelle voisine de la grotte du Pausilippe. Nous y entrâmes, ma grand’mère et moi, pour faire nos prières. Je n’avais jamais été si triste que ce jour-là ; j’étais découragée de vivre dans un monde qu’elle ne partageait plus avec moi ; je me disais : « Que m’importent ce beau pays, ce beau ciel, cette belle mer et ces montagnes, et ces monuments, et ces théâtres, et ces regards de la foule, et ces cris d’admiration quand je passe en voiture découverte dans les rues ? Elle n’est plus là pour participer à rien de tout cela avec moi ; j’aime mieux sa pensée dans le ciel que l’admiration de toute la terre ? La terre est vide depuis qu’elle n’y est plus. » Je pleurais, en me cachant, le plus que je pouvais, de ma grand’mère, sur mes mains jointes, devant le saint sacrement.

Et tout à coup j’entendis, non pas en idée, mais en moi, à mon oreille intérieure, comme je vous entends, j’entendis une voix qui me dit : « Mais, Régina, tu rêves ; elle y est, elle y est encore. Ne t’a-t-elle pas dit qu’elle avait son frère, un autre elle-même, son frère si semblable de visage et d’âme à elle que sa mère même ne les aurait pas distingués ? Son frère, qui t’aimera comme elle