Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/396

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peu, un peu, mais pas beaucoup ; elle était bien méchante, elle me faisait avoir bien soif et bien froid, mais je ne sais seulement pas son nom.

« — Et la troisième ?

« — Oh ! la troisième, dit-il en battant joyeusement ses deux petites mains l’une contre l’autre, c’est ma meilleure mère, c’est la vraie mère ! c’est Luce, c’est la femme de mon père le magnien ! Celle-là, nous nous aimons bien, allez ! Elle a soin de moi comme vous ! et elle a bien pleuré quand je l’ai laissée à la Saint-Jean, après la foire, en accompagnant la première fois mon père pour faire aller le soufflet sur les chemins, pendant qu’il étame les marmites du monde des villages.

« — Et où demeure-t-elle, ta troisième mère ? demanda Geneviève.

« — Elle demeure là-bas, bien loin, de l’autre côté des Échelles, dans un pays qu’on appelle le Gros-Soyer, où il y a cinq maisons écartées les unes des autres, qui ont chacune un verger et un pré avec des noyers et des sorbiers, et les plus beaux sont à nous.

« — Mais le clocher du pays, comment l’appelle-t-on ? dit la servante.

« — Ah ! le clocher, on l’appelle la paroisse, dit l’enfant avec assurance.

« — Tu ne lui sais pas d’autre nom ?

« — Non, dit le petit ; mais je sais bien le chemin, allez, et quand on a passé les Échelles, on tourne à gauche, on suit le torrent pendant une heure, et puis on tourne à droite, on monte, on monte, on monte par le sentier des chèvres, et on arrive, quand le soleil se couche, à la maison de mon père le magnien. S’il plaît à Dieu, et si vous voulez me donner demain, avant le jour, un morceau de pain dans ma poche, j’espère bien que j’y serai le soir,