Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/87

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Et, mêlant sa lumière aux vagues de ses plages,
D’une brillante écume éclairait les rivages ?
Se peut-il qu’à ce point cet astre ait défailli ?
Depuis quand ? Par quel sort ? — Mon fils, il a vieilli.
Tout vieillit dans le ciel ainsi que sur la terre ;
Ce grand foyer des jours depuis longtemps s’altère.
Faible et d’un pas tardif se traînant dans son cours,
Il ne dispense plus les saisons ni les jours
Comme aux temps fortunés où le regard du sage
Par les signes du ciel prédisait son passage,
Et, soumettant sa marche à son hardi compas,
Marquait l’heure aux humains par l’ombre de ses pas !
Il ne mesure plus ni les mois ni les heures ;
Mais, parmi les débris de ses douze demeures,
Égarant au hasard son cours capricieux,
D’un pas irrégulier serpentant dans les cieux,
Tantôt dardant ses feux pendant des jours sans nombre,
Il refuse aux vallons le doux abri de l’ombre,
Brûle une terre aride et dévorant les eaux
Dans ses flancs altérés fait tarir les ruisseaux ;
Tantôt se dérobant sous des ombres funèbres,
Il livre la nature à de longues ténèbres ;
Et l’homme épouvanté d’un regard incertain
Attend en vain l’aurore aux portes du matin !
— Et la terre ? lui dis-je en voilant mon visage.
— Viens et vois ! » dit l’Esprit. — Soudain comme un orage,
De la cime des monts fondant sur les guérets,
Emporte en tournoyant la feuille des forêts,
La promène en son vol du couchant à l’aurore,
La quitte, la reprend et la rejette encore :
Ainsi, planant de loin sur la terre et les mers,
Son souffle impétueux m’emporte dans les airs,
Et mon œil, du soleil suivant la route oblique,
Traverse à l’équateur les flots de l’Atlantique,