Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/93

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Se hâtait d’embrasser dans ses mille replis
Ces murs par qui ses flots se sentaient ennoblis !
Mais, recherchant en vain quelque ombre de sa gloire,
Ces lieux avaient perdu jusques à sa mémoire,
Et son cours, égaré de déserts en déserts,
Traînait des flots sans nom vers la pente des mers.
Seulement sur ses bords, de distance en distance,
Monument de sa gloire et de sa décadence,
Un portique, un débris, s’élevant sur les bois,
Semblaient par leur aspect lui parler d’autrefois,
Et du sommet miné d’une arche triomphale,
Sous le vol des oiseaux roulant par intervalle,
La pierre, d’un bruit sourd éveillant les échos,
Traçait, en s’abîmant, un cercle dans ses flots.
Je suivais à pas lents ses détours dans la plaine,
Écartant d’une main les jets pliants du chêne ;
De l’autre j’arrachais des débris effacés
De la ronce aux cent bras les fils entrelacés ;
Je cherchais à fixer les lettres et les nombres,
Comme on cherche la vie, hélas ! parmi des ombres.
Là, le Louvre abaissant ses superbes créneaux
Cachait ses fondements parmi d’humbles roseaux ;
Sur les tronçons brisés de ses larges arcades
Le lierre encor traçait de vertes colonnades,
Et, croissant au hasard sur des chiffres chéris,
Le lis pétrifié s’ouvrait sur ces débris.
Là, d’un temple détruit couronnant les portiques,
Deux tours penchaient encor leurs ponts mélancoliques,
Mais, suspendant leurs nids aux voûtes du saint lieu,
Les oiseaux chantaient seuls dans la maison de Dieu.
Ici croissait l’ortie ; ici la giroflée
Penchait sur les débris sa corolle effeuillée ;
Là le buis éternel de ses sombres rameaux
Nouait comme un serpent le marbre des tombeaux.