Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/94

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Là, sous le vert cyprès dormait, couché dans l’herbe,
Le buste mutilé d’un conquérant superbe,
Où les marbres épars de tous ces dieux mortels,
Dont la Grèce crédule éleva les autels,
Et qui, fuyant ici les bords de l’Ionie,
Y recevaient encor le culte du génie !
Plus loin, d’un front sublime allant toucher les cieux,
D’un règne passager monument orgueilleux,
La colonne d’airain, plus forte que les âges,
Autour de son sommet voit gronder les orages,
Et sur ses larges flancs porte en lettres de fer
Des exploits que la rouille est prête d’étouffer.
Sans doute ici d’un roi s’élançait la statue ;
Mais l’autel est debout, l’idole est abattue ;
Sur son faîte isolé, roi des champs d’alentour,
Un aigle solitaire a choisi son séjour :
Il y plane, il s’y pose, et, sous sa large serre
Embrassant ce débris des foudres de la guerre,
Sur ce sanglant trophée où son aire est assis
Semble se souvenir d’avoir régné jadis !


Quoi ! d’un peuple éternel voilà donc ce qui reste !
Voilà sa trace ; à peine un débris nous l’atteste !
C’est d’ici que, régnant sur l’Océan soumis,
Ce peuple, qu’adoraient même ses ennemis,
Vit pendant deux mille ans les arts ou la victoire
Étendre tour à tour son empire ou sa gloire !
Là régnèrent ces rois redoutés ou chéris,
Ces Louis ! ces François ! ces Charles ! ces Henris !
Dont la main, tour à tour imposante ou facile,
Sut modérer le frein de ce peuple indocile,
Princes qui, par la guerre ou les arts couronnés,
Imposèrent leurs noms aux siècles étonnés !