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ACTE II, SCÈNE II

rochambeau.

Quelle race pourtant que celle où le soleil
Jette de tels accents dans un homme pareil !

leclerc.

Revenons à Toussaint. Aime-t-il sa patrie ?

toussaint, avec une audace mal contenue.

Sauriez-vous donc son nom s’il ne l’avait chérie ?

leclerc.

Sa femme ?

toussaint, s’oubliant un moment.

Sa femme ?Il n’en a plus… les monstres !

Se reprenant soudain.

Sa femme ? Il n’en a plus… les monstres !Pardonnez ;
Je répétais les noms qu’il vous avait donnés.
Les blancs ont fait mourir de faim dans la montagne
L’esclave dont l’amour avait fait sa compagne.

leclerc.

Ses enfants ?

toussaint, avec un transport mal contenu.

Ses enfants ?Ses enfants ! ses fils ?… Oh ! demandez
S’il aime ses rameaux au tronc que vous fendez !
Quoi donc ? n’aime-t-on pas dans toute race humaine
La moelle de ses os et le sang de sa veine ?…
Ses enfants ! s’il les aime ? Ah ! s’il vous entendait !…

Avec indignation.

Il ne répondrait pas si Dieu le demandait !

Un repos.

Pour qui donc le plus vil, le dernier de sa race
Osa-t-il regarder la tyrannie en face ?
Pourquoi donc, secouant un joug longtemps porté,
A-t-il joué son sang contre la liberté ?
Pourquoi donc, ranimant une argile engourdie,
Épuisa-t-il son souffle a souffler l’incendie ?
Était-ce donc pour lui, lui déjà vieux de jours,
Séparé de la mort par quelques pas bien courts,