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lit avec beaucoup d’attention. Il ne fait pas attendre sa réponse, et ne revient jamais sur ses ordres ou sur ses décisions. De tout temps très-attaché à la doctrine de la religion chrétienne, il hait ceux qui négligent de la professer. Frugal, sobre jusqu’à l’excès : du manioc, quelques salaisons et de l’eau, voilà sa nourriture et sa boisson. Il croit fermement qu’il est l’homme annoncé par l’abbé Raynal, qui doit surgir un jour pour briser les fers des noirs. Bon époux, père tendre ; on ne peut qu’admirer l’attachement et le respect qu’il porte à son parrain qui reste en haut du Cap ; il ne vient jamais dans cette ville qu’il ne s’arrête chez lui en arrivant. Ce parrain est très-mal logé ; et n’a jamais voulu changer de demeure sous le règne de Toussaint. C’était un homme très-important, et qui a rendu de grands services. On l’a noyé depuis ; quelle en a été la raison ? je n’en sais rien. Toussaint fut d’abord l’ennemi du désordre et du brigandage. C’est par cette raison que, dès le commencement des troubles, il s’était retiré chez les Espagnols ; il fit avec eux la guerre à ses compatriotes, il s’y était même distingué. On ignore par quels moyens le général Lavaux le ramena dans le parti français. Il vint prendre rang dans l’armée française de Saint-Domingue ; il fut bientôt promu au grade de général de brigade, puis de division et de gouverneur. On dit que l’appétit vient en mangeant, il faut croire qu’il en est ainsi de l’ambition. Toussaint rendit de grands services au général Lavaux, et on lui doit l’expulsion des Anglais de la colonie.

» Un homme de couleur, le général Dumas, avait pu obtenir en Europe le commandement en chef d’une armée française ; Toussaint trouva donc tout