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enivré des espérances de gloire et d’immortalité qui rayonnaient depuis sept ans autour de son front, fut enfermé par Bonaparte dans un cachot du fort de Joux, dans les plus âpres montagnes du Jura, sans soleil, sans famille, sans peuple ; il y languit quelques années et y mourut du froid du corps et du froid de l’âme. Ce ne fut que quarante-huit ans après ce martyre que le mot de liberté des noirs put enfin retentir sur son tombeau. Ses fils, héritiers de ce grand nom et rendus dignes de le porter par l’éducation qu’il leur avait donnée, le cachèrent, dit-on, longtemps dans l’obscurité en France, et se montrèrent au niveau de leur malheur et de la gloire de leur père. L’histoire et la France doivent réparation tardive de ces ostracismes du héros des noirs.

Tel est le fond réel du drame de Toussaint Louverture ; les accessoires n’ont que la réalité de l’imagination. Quand je l’écrivis, de mémoire, j’étais sans livres et sans documents, à la campagne, et je n’avais sous la main ni les faits, ni les couleurs propres à donner une valeur historique à ce tableau.

Je ne me dissimule aucune de ses nombreuses imperfections ; ce n’était dans mon intention qu’un discours en vers et en action en faveur de l’abolition de l’esclavage. L’esclavage est à jamais aboli ; aujourd’hui, qu’on me pardonne le drame en faveur de l’acte. Si mon nom est associé dans l’avenir de la race noire aux noms de Wilberforce et des abolitionnistes français, ce ne sera pas pour ce poëme, ce sera pour le 27 février 1848, où ma main signa l’émancipation de l’esclavage au nom de la France !

Les artistes de la scène sur laquelle ce drame a été représenté méritent plus que moi la reconnaissance des compatriotes de Toussaint. Ils ont encadré