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RAPHAËL

J’avais entendu aussi par moments le son d’une voix de femme disant quelques mots ou donnant quelques ordres dans son intérieur. L’accent légèrement étranger quoique pur, la vibration un peu fébrile, languissante, douce et cependant prodigieusement sonore de cette voix, m’avaient ému. Bien que je n’en eusse pas distingué les paroles, l’écho de cette voix restait dans mon oreille longtemps après que ma fenêtre était refermée. Je n’en avais jamais entendu qui lui ressemblât, même en Italie. Elle résonnait entre les dents à demi fermées, comme ces petites lyres de métal que les enfants des îles de l’Archipel font résonner sur leurs lèvres, le soir, au bord de la mer : C’était un tintement plutôt qu’une voix. Je l’avais observé sans penser que cette voix tinterait si profond et a jamais dans ma vie. Je n’y songeais plus le lendemain.


XI

Un jour, en rentrant avant le soir, par la petite porte du jardin sous les treilles, je vis de plus près l’étrangère. Elle se réchauffait aux tièdes rayons du soleil, assise sur un banc contre un mur exposé au couchant. Elle n’avait pas entendu le bruit de la porte que j’avais refermée derrière moi. Elle se croyait seule. Je pus la contempler longtemps sans être vu. Il n’y avait entre elle et moi que la distance d’une vingtaine de pas et le rideau d’une treille dégarnie de pampres par les premiers froids. L’ombre des dernières feuilles de vigne luttait sur son visage avec les rayons du soleil qu’elle semblait y faire flotter. Sa taille paraissait plus grande que nature, comme celle de ces baigneuses en marbre tout enveloppées de draperies, dont on admire la stature sans bien discerner