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RAPHAËL

XXV

Cette sensation n’avait rien de précis, d’articulé ni de défini en moi. Elle était trop complète pour être mesurée ; trop une pour être divisible par la pensée et analysable même par la réflexion. Ce n’était ni la beauté de la créature que j’adorais, car l’ombre de la mort était encore répandue entre cette beauté et mes yeux ; ni la vanité satisfaite d’une conquête de femme à étaler, car cette vanité froide n’a jamais approché de mon âme, et je n’avais personne, dans ce désert, devant qui profaner mon amour en le dévoilant pour m’en vanter ; ni l’espoir d’enchaîner cette destinée à la mienne, car je savais qu’elle appartenait à un autre ; ni enfin la certitude d’être aimé, car j’ignorais tout de son cœur, excepté le geste et le mot de reconnaissance qu’elle m’avait adressés !

XXVI

C’était autre chose : c’était un sentiment désintéressé, calme, immatériel ; le repos d’avoir trouvé enfin l’objet toujours cherché, jamais rencontré, de cette adoration, l’idole de ce culte vague et inquiet, qui tourmente l’âme jusqu’à ce qu’elle ait entrevu l’objet de ce culte, et qu’elle s’y soit attachée comme le fer à l’aimant, ou qu’elle se confonde avec lui comme le souffle de la respiration dans les vagues de l’air respirable.

Et, chose étrange ! je n’étais pas pressé de la revoir, d’entendre sa voix, de me rapprocher d’elle, de m’entre-