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RAPHAËL

dans lesquelles nous prenions le thé, à minuit. Le bon vieux médecin montait ordinairement avec moi pour causer avec sa jeune malade ; mais, après quelque demi-heure de conversation, cet excellent homme, s’apercevant bien que ma présence contribuait plus que ses conseils et ses bains au rétablissement visible d’une santé si chère à tous, nous laissait seuls avec nos livres et nos entretiens. À minuit, je baisais sa main, qu’elle me tendait à travers la table, et je me retirais dans ma chambre. Je ne me couchais que quand je n’entendais plus aucun bruit dans la sienne.

XLII

Nous menâmes encore pendant cinq longues et courtes semaines cette intime et délicieuse vie à deux : longues par les palpitations innombrables de nos cœurs ; courtes par la rapidité des heures qui les remplissaient. Il semblait que, par un miracle de la Providence qui ne se reproduit pas une année sur dix, la saison, complice de notre bonheur, était d’accord avec nous pour le prolonger. Le mois d’octobre tout entier et une moitié du mois de novembre ressemblèrent à un printemps ressuscité de l’hiver et qui n’avait oublié que ses feuilles dans le tombeau. Les brises étaient tièdes, les eaux bleues, les sapins verts, les nuées roses, les soleils éclatants. Les jours seulement étaient courts ; mais les longues soirées auprès des cendres chaudes de sa cheminée nous rapprochaient davantage : elles nous rendaient plus exclusivement présents encore l’un à l’autre ; elles empêchaient nos regards et nos âmes de s’évaporer dans la splendeur de la nature extérieure. Nous les préférions aux longs jours d’été. Notre été était en nous. Nous le sentions mieux en nous confinant dans notre demeure