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RAPHAËL

moi-même la pureté, la splendeur que sa lumière réverbérait seulement en moi. Je la comparais sans cesse involontairement aux autres femmes que j’avais entrevues. Excepté ma mère, à qui elle ressemblait dans sa sainteté et dans sa maturité, aucune femme ne supportait, à mes yeux, le moindre rapprochement. Un seul de ses regards rejetait dans l’ombre tout le reste. Ses entretiens me révélaient des profondeurs, des étendues, des délicatesses, des élégances, des divinations de sentiment et de passion qui me transportaient dans des régions inconnues où je croyais respirer pour la première fois l’air natal de mes propres pensées. Tout ce qu’il y avait en moi de légèreté, de vanité, de puérilité, de sécheresse, d’ironie ou d’amertume d’esprit pendant ces mauvaises années de mon adolescence, disparaissait tellement que je ne me reconnaissais plus moi-même. En la quittant, je me sentais bon, je me croyais pur. Je retrouvais le sérieux, l’enthousiasme, la prière, la piété intérieure, les larmes chaudes qui ne coulent pas par les yeux, mais qui montent comme une source cachée du fond de nos aridités apparentes et qui lavent le cœur sans l’amollir. Je me promettais de ne plus jamais redescendre de ces hauteurs sans vertiges, où ses tendres reproches, sa voix, sa seule présence, avaient le don de m’élever. Je ne pouvais dire s’il y avait plus de respect que d’attrait dans l’impression que je recevais d’elle, tant la passion et l’adoration s’y mêlaient par égales parts et changeaient mille fois par minute, dans mes pensées, l’amour en culte et le culte en amour. Oh ! n’est-ce pas la le dernier sommet de l’amour, l’enthousiasme dans la contemplation de la beauté parfaite, et la volupté dans la suprême adoration ?… Tout ce qu’elle avait dit me paraissait éternel, tout ce qu’elle avait regardé me paraissait sacré. J’enviais la terre qu’elle avait foulée en marchant ; les rayons du soleil qui l’enveloppaient dans nos promenades me semblaient heureux de