Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
332
RAPHAËL

Esprits sublimes, mais rétifs, qui montent merveilleusement de degré en degré l’escalier de la science, sans vouloir jamais franchir le dernier, qui mène à Dieu !

CVII

En peu de jours, il s’attacha à moi, il voulut me donner quelquefois, le matin, dans sa bibliothèque, des leçons des hautes sciences. Après avoir fait son illustration, elles faisaient maintenant ses délassements.

J’y venais de temps en temps. Julie y montait souvent aux mêmes heures. C’était un spectacle rare et touchant que celui de ce vieillard assis au milieu de ses livres, monument des connaissances humaines et de la philosophie dont il avait épuisé toute sa vie les pages, ouvrant les mystères de la nature et de la pensée à un jeune homme debout derrière lui, tandis qu’une femme belle et jeune comme la Béatrice du poëte de Florence servait de premier disciple a ce vieillard et de condisciple à ce jeune frère. Elle apportait les livres, feuilletait les pages, marquait de son beau doigt rose les chapitres ; elle circulait à travers les sphères, les globes, les instruments, les monceaux de volumes, dans cette poussière de la science humaine ; elle ressemblait a l’âme de la nature qui se dégageait de cette poussière pour l’allumer et la faire brûler et aimer.

En peu de jours, j’avais plus appris et plus compris que dans des années de sèches et solitaires études. Les infirmités fréquentes de l’âge dans le maître interrompaient trop souvent ces entretiens et ces leçons du matin.