Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
ACTE I, SCÈNE IV

Et savoir si le plan d’un chef dur et hautain
Contre un pareil péril est un rempart certain ?
Peut-être…

MAZULIME.

Peut-être… Parlons bas…

MOÏSE.

Peut-être… Parlons bas… Ami, je m’inquiète
De cette ambition dans une seule tête !
Serviles instruments de coupables projets,
De ce nouveau tyran sommes-nous les sujets ?
À l’affront de servir si la loi nous oblige,
Qu’il cache donc au moins la main qui nous l’inflige ;
Que devant les dangers de la patrie en deuil
Il humilie au moins son impudent orgueil !
Car, quel que soit le nom dont sa main nous décore,
S’il est le maître ici, c’est l’esclavage encore !

MAZULIME.

Nous ! esclaves d’un noir !

MOÏSE.

Nous ! esclaves d'un noir ! D’un ancien compagnon !

MAZULIME.

Tant de sang répandu !

MOÏSE.

Tant de sang répandu ! Pour n’illustrer qu’un nom !

MAZULIME.

En repoussant les blancs du sol qui nous vit naître,
N’avons-nous donc ici fait que changer de maître ?

MOÏSE.

S’il faut aux mains d’un maître abdiquer tous nos droits,
Qu’il ait un autre sang ! qu’il ait une autre voix !
Qu’il nous vienne de loin ! et que sa foi parjure
Ne soit par pour nous tous une éternelle injure !
Moindre sera l’affront de fléchir les genoux
Si ce maître nouveau n’est pas noir comme nous !