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ACTE II, SCÈNE II

Mon sort m’était caché, vous m’êtes apparu…

le moine.

Ton destin s’obscurcit, et je suis accouru.

toussaint.

Hélas ! ma volonté que travaille un grande doute
N’eut jamais plus besoin d’un éclair sur ma route.

le moine.

Je le sais.

toussaint.

Je le sais.Vous, mon père ? et qui donc vous l’apprit ?

le moine.

Ma pensée invisible est avec ton esprit.
Je t’ai suivi de l’œil des fers au rang suprême.
Je t’aime, roi des noirs, parce que mon Dieu t’aime ;
Parce que l’avenir du quart de ses enfants
Repose avec sa foi sur tes bras triomphants.

toussaint.

Mais vous n’êtes pas noir ! Mais vous n’êtes pas traître
À vos frères les blancs ?…

le moine.

À vos frères les blancs ?…Je sers un autre maître
Qui ne connaît ni blancs, ni noirs, ni nations,
Qui s’indigne la-haut de ces distinctions,
Qui d’un égal amour dans sa grandeur embrasse
Tous ceux qu’il anima du souffle de sa grâce,
Qui ne hait que l’impie et les persécuteurs,
Et soutient de son bras les bras libérateurs.
Levant les mains vers lui pendant la sainte lutte,
Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute !
Sans aimer, sans haïr les drapeaux différents,
Partout où l’homme souffre il me voit dans ses rangs.
Plus une race humaine est vaincue et flétrie,
Plus elle m’est sacrée et devient ma patrie.
J’ai quitté mon pays, j’ai cherché sous le ciel