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TOUSSAINT LOUVERTURE.


SCÈNE QUATRIÈME



TOUSSAINT, LE PÈRE ANTOINE.

Le moine s’avance à pas lents et relève son capuchon quand il
est à deux pas de Toussaint.


LE MOINE.

C’est moi !… Reconnais-tu, chef qu’un peuple révère,
Celui que tu connus quand tu rampais à terre ?
Celui qui t’a tracé le sentier de tes pas,
Et qui t’a dit ton nom, que tu ne savais pas ?

TOUSSAINT, le regardant avec stupeur.

Sa couronne a blanchi, mais c’est lui !… c’est le moine
Que je vis à Jacmel.

LE MOINE.

Que je vis à Jacmel. Oui ! moi, le père Antoine.

TOUSSAINT, à part.

Je me sens devant lui tout saisi de respect.

Au moine.

Mon père, comprenez mon trouble à votre aspect.
Fier de ma mission, effrayé de la vôtre,
Je ne sais de nous deux qui doit respecter l’autre.
Oui, je vous reconnais, et je tombe à genoux.
Votre nom m’a prédit ; Dieu voit et parle en vous !

LE MOINE, relevant Toussaint.

Dieu parle, mon enfant, dans toute créature ;
C’est un oracle sûr qu’une grande nature.
Ton front portait écrit l’avènement du noir :
Le prophète était toi, je n’ai fait que te voir.

TOUSSAINT.

Dieu ne fait voir ainsi qu’au regard qu’il dessille.
Gloire à l’esprit des saints où sa lumière brille !