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GUTENBERG.

artistes ; il les autorisa à porter des robes brodées d’or et d’argent, que les nobles seuls avaient droit de porter ; il leur donna pour armoiries un aigle aux ailes étendues sur le globe, symbole du vol et de la conquête de la parole écrite sur l’univers.

Mais déjà Gutenberg n’était plus sur la terre pour y jouir de cette possession du monde intellectuel, religieux et politique, qu’il avait entrevue seulement, comme Moïse, du haut de ses visions dans le rêve du monastère de Saint-Arbogaste. Dépouillé par ses collaborateurs de sa propriété et de sa gloire, expulsé une dernière fois de sa patrie par la misère, consolé seulement et suivi par sa femme, fidèle toutes ses vicissitudes, privé par la. mort de ses enfants, déjà vieux, sans pain et bientôt sans famille par la mort de sa femme, il fut recueilli par l’électeur de Nassau, le généreux Adolphe. L’électeur le nomma son conseiller d’État et son chambellan, afin de jouir dans une honorable familiarité de l’entretien de ce merveilleux génie qui devait converser plus tard avec tous les lieux et tous les temps. Cet asile donné à Gutenberg illustre à jamais Nassau et son prince. Il y a dans l’histoire des hospitalités qui portent honneur et immortalité aux plus petits princes et aux plus petits États.

Gutenberg continua à imprimer de ses propres mains, à Nassau, sous les yeux de l’électeur, son Mécène, pendant quelques années de sérénité et de paix ; puis il mourut à soixante-neuf ans, ne laissant à sa sœur aucun héritage, et laissant au monde l’empire de l’esprit humain découvert et conquis par un artisan.

« Je lègue, dit-il dans son testament, à ma sœur tous les livres imprimés par moi au monastère de Saint-Arbogaste. »

Pauvre inventeur qui n’avait à léguer à celle qui lui survivait que la richesse de presque tous les inventeurs comme