Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 35.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
GUTENBERG.

hache ou doloire attaquant un arbre noueux, protestait contre les doctrines de Luther, bien qu’on l’ait condamné comme athée. C’était, à ce qu’il semble, le raisonnement et l’homme que ses adversaires voulaient frapper en lui, bien plutôt encore que les croyances.

Dans ces temps de passions et de mœurs violentes, la vie de ceux qui consacraient leurs forces aux développements de l’intelligence humaine était un long duel dans lequel, tôt ou tard, il fallait succomber. Successivement étudiant à Paris, puis à Padoue, secrétaire de Jean de Lauzeac, ambassadeur du roi de France à Venise, étudiant en droit à la faculté de Toulouse, Étienne Dolet n’avait pas vingt-quatre ans, que déjà, pour dernier argument de leurs discussions, ses ennemis le faisaient jeter dans un cachot. L’intercession de Jean Pinus, évêque de Rieux, l’en tirait bientôt ; mais alors des assassins gagés commettaient des entreprises sur sa vie ; et comme, malgré ses dangers, l’intrépide jeune homme ne quittait point Toulouse, on fit intervenir enfin un arrêt du parlement qui l’en bannit (1533).

Dolet revint alors à Lyon, où il obtint, après de longs efforts (1535), un privilége pour imprimer ses Commentaires sur la langue latine, œuvre d’immense érudition, qui le met au niveau des Bembo, des Scaliger et des Érasme, et lui fit tenir une place brillante dans le grand tournoi qui s’ouvrit en ce temps dans le monde littéraire, au sujet de Cicéron. On voit troubler ces belles études par une tentative nouvelle d’assassinat sur Dolet, qui tua bravement son agresseur. Mais c’était du moins un prétexte aux animosités qui poursuivaient sa perte, et on l’incarcéra comme assassin. Il ne fallut, pour le faire sortir de sa prison, rien moins que la volonté absolue de François Ier, intéressé à Dolet par son talent d’abord, et, à ce qu’il paraît aussi, par la protection de la reine de Navarre. La munificence royale gratifia alors le savant persécuté du brevet d’imprimeur le