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JEANNE D’ARC.

roi. Dans ces jours de férocité, qui rappelaient l’ancienne Rome par les meurtres, la nouvelle Italie par les conjurations, toutes les intrigues se dénouaient par des assassinats. Le duc d’Orléans, appelé une nuit sous un faux prétexte, et sortant du palais de la reine, est renversé de son cheval et frappé de treize coups de poignard par vingt hommes inconnus, qui laissent son corps sanglant dans la rue à la porte de son hôtel. La rumeur publique accuse le duc de Bourgogne du crime, le jeune Dauphin d’acquiescement, ses partisans de complicité. La reine, qui perd à la fois son amour et sa force, jure de laver ses larmes dans le sang du meurtrier. Elle se ligue avec le connétable d’Armagnac, beau-père du duc d’Orléans assassiné, contre le duc de Bourgogne. Les d’Armagnac, famille sanguinaire, proscrivent, massacrent, et sont proscrits et massacrés tour à tour dans Paris. Servant et dominant à la fois la reine, leur instrument et leur victime, ils s’alarment de l’ascendant d’un nouveau favori, le jeune Boisbourdon. Ils osent l’immoler aux pieds de la reine, pour régner seuls en son nom.

Désespérée de la mort, furieuse du crime, humiliée du joug, Isabeau sacrifie ses ressentiments passés à sa haine présente. Elle conspire avec le duc de Bourgogne la perte et la mort des Armagnacs, et lui vend à la fois leur sang et son cœur, en échange de la vengeance qu’elle attend de lui. Le duc de Bourgogne rentre à la faveur de cette trame dans Paris, immole les Armagnacs, satisfait et assujettit la reine, prend la tutelle du roi, combat dans les provinces contre les restes du parti contraire, unis aux Anglais. Les Français, ainsi déchirés en factions, succombent à la bataille d’Azincourt, qui livre la patrie au roi d’Angleterre sur les cadavres de la noblesse française. Sept princes de la maison royale sont ensevelis sur ce champ de bataille. Le fils aîné du roi meurt de douleur ; son frère, du poison versé dans ses veines par les ennemis des Bourguignons.