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JEANNE D’ARC.

que reçut jamais chevalier ou cité, le secours de Dieu !…

En ce moment, le vent qui soulevait les flots de la Loire en sens contraire de son cours, et qui empêchait les barques chargées de vivres et d’armes d’aborder au port d’Orléans, changea tout à coup comme par miracle, et la ville fut ravitaillée malgré les Anglais.

Le lendemain, ayant congédié l’armée du roi, qui n’avait pour mission que d’escorter le convoi jusqu’aux portes, et qui devait retourner défendre la plaine, Jeanne entra dans Orléans à la tête de deux cents lances seulement, suivie du brave chevalier Lahire et de Dunois. Montée sur une haquenée blanche, élevant son étendard dans la main droite, revêtue de sa légère armure qui étincelait aux yeux d’un doux éclat, elle était à la fois, pour les habitants de la ville et pour les soldats, l’ange de la guerre et de la paix. Les prêtres, le peuple, les femmes, les enfants, se précipitaient sous les pieds de son cheval, pour toucher seulement ses éperons, croyant qu’une vertu divine émanait de cette envoyée de Dieu. Elle se fit conduire à l’église, où l’on chanta le Te Deum de reconnaissance pour la ville secourue. Mais le secours qui réconfortait le plus le peuple était le secours surnaturel qu’il croyait voir et posséder dans la prophétesse.

Jeanne fut conduite de la cathédrale dans la maison de la femme la mieux famée de la ville, pour que sa vertu fût à l’abri des mauvais discours, et que sa bonne renommée restât intacte au milieu des camps. On lui avait préparé un festin. Mais elle n’accepta qu’un peu de pain et de vin, en humilité et en mémoire de la table frugale de son père.

Elle dicta de là une lettre aux Anglais qu’elle avait réfléchie dans la route. Cette lettre était toute semblable, par ses apostrophes et par son accent, aux sommations que les héros d’Homère s’adressaient, avant de combattre, du haut des murs ou sur le champ de bataille. « Roi d’Angle-