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JEANNE D’ARC.

grâce et la foi de Jeanne le séduisaient lui-même. Il s’entendait merveilleusement avec elle, l’éclairant de ses avis dans les conseils, s’allumant de son héroïsme dans l’action.

Le sire de Gamaches, vieux soldat, témoin des condescendances de Dunois et de Lahire pour les témérités de la jeune fille, s’indigna, dès le premier jour, de ce qu’on préférait les révélations d’une paysanne à l’expérience d’un chef consommé tel que lui. « Puisqu’on écoute ici, s’écria-t-il, l’avis d’une aventurière de basse condition, de préférence à celui d’un chevalier tel que moi, je ne contesterai pas davantage. Ce sera mon épée qui parlera en temps et lieu, et peut-être y périrai-je ; mais mon honneur me défend, ainsi que l’intérêt du roi, d’obéir à telles folies. Je défais ma bannière, et je ne suis plus désormais qu’un simple écuyer. J’aime mieux avoir pour chef un noble homme, qu’une fille qui a peut-être été avant je ne sais quoi ! » Puis, pliant sa bannière, il la remit à Dunois.

Jeanne ne respirait que la guerre, et tout retard dans la délivrance du pays par les armes lui semblait un doute de la parole divine et une offense à la foi. Elle monta à cheval le jour même, pour escorter un détachement qui allait chercher à Blois des renforts ; et au retour, lançant seule son cheval sur le rempart d’une des forteresses dont les Anglais avaient entouré la ville, et élevant la voix pour se faire entendre d’eux, elle les somma d’évacuer leurs bastilles.

Deux chevaliers anglais, Granville et Gladesdale, célèbres par leur bravoure et par le mal qu’ils avaient fait aux gens d’Orléans, lui répondirent par des injures et par des mépris, la renvoyant à ses quenouilles et à ses troupeaux. « Vous mentez, leur répliqua Jeanne. Avant peu vous sortirez d’ici ; beaucoup des vôtres y seront tués, mais vous-mêmes vous ne le verrez pas ! » leur prophétisant ainsi leur défaite et leur mort.