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JEANNE D’ARC.

Le second renfort, ramené de Blois par Dunois lui-même, entra sans avoir été attaqué dans la ville.

Dunois vint remercier Jeanne du bon avis qui l’avait inspiré. Il lui annonça l’arrivée prochaine d’une armée anglaise qui venait compléter le blocus. « Bâtard ! bâtard ! lui dit Jeanne, je te commande, aussitôt que cette armée paraîtra en campagne, de me le dire ; car si elle se montre sans que je lui livre bataille, je te ferai trancher la tête, » ajouta-t-elle par forme d’enjouement. Dunois lui promit de l’avertir.

À peu de jours de là, comme elle était sur son lit au milieu du jour, se reposant des fatigues qu’elle avait prises le matin à rétablir l’ordre, la piété et les bonnes mœurs parmi les gens de guerre, un souci surnaturel l’empêcha de dormir. Tout a coup, se levant sur son séant, elle appela son écuyer, le vieux sire de Daulon. « Armez-moi ! lui dit-elle. Le cœur me dit d’aller combattre les Anglais, mais il ne me dit pas si c’est contre leurs forts ou contre leur armée. »

Pendant que le chevalier lui revêtait son armure, une grande rumeur s’éleva dans les rues. Le peuple croyait qu’on égorgeait les Français aux portes. « Mon Dieu ! dit Jeanne, le sang des Français coule sur la terre ! Pourquoi ne m’a-t-on pas éveillée plus tôt ? Mes armes ! mes armes ! Mon cheval ! mon cheval ! » Et, sans attendre le sire de Daulon, encore désarmé lui-même, elle se précipite, demi vêtue en guerre, hors de la maison.

Son petit page jouait comme un enfant sur le seuil. « Ah ! méchant page, qui n’êtes pas venu m’avertir que le sang de la France était répandu ! lui dit-elle. Allons, vite, mon cheval ! »

Elle s’élança sur son cheval ; et, s’approchant d’une fenêtre haute, d’où on lui tendit son étendard, elle partit au galop, et courut au bruit, vers la porte de la ville. En y