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JEANNE D’ARC.

plus d’enthousiasme et plus d’envie. Sa famille la reconnaissait enfin pour inspirée, après l’avoir pleurée pour folle. Ses frères, appelés par elle dans les camps, recevaient des honneurs et des armoiries de la cour. Ils combattaient et triomphaient sous les yeux de leur sœur. Mais le moine Richard, ce prédicateur jaloux dont nous avons parlé, lui disputait déjà sa popularité par des suppositions de sorcellerie, perfidies jetées méchamment dans le peuple.

À son entrée à Troyes, il osa s’avancer vers Jeanne et faire des exorcismes et des signes de croix sur son cheval, comme contre un fantôme de Satan. « Allons, approchez, dit Jeanne, je ne m’envolerai pas. »

Châlons et Reims ouvrirent leurs portes. Le roi fut sacré, et la mission de Jeanne accomplie. « Ô gentil roi, disait elle en embrassant ses genoux dans la cathédrale, après qu’elle le vit couronné, maintenant est fait le plaisir de Dieu, qui m’avait ordonné de vous amener en cette cité à Reims, recevoir votre saint sacre, maintenant qu’enfin vous êtes roi, et que le royaume de France vous appartient ! »

Elle était le palladium visible du peuple, dont le roi n’était que le souverain. Les femmes lui faisaient toucher leurs petits enfants comme à une relique. Les soldats baisaient à genoux son étendard, et sanctifiaient leurs armes en les approchant de son épée nue. Elle se refusait modestement et religieusement à ces superstitions et à ces adorations de la multitude, ne s’attribuant aucune vertu surhumaine, que l’obéissance aux ordres qu’elle avait reçus de Dieu, accomplis par son inspiration.

« Oh ! disait-elle en contemplant l’ivresse de ce roi rendu à son peuple et de ce peuple rendu à son roi, que ne puis-je mourir ici !

» — Et où donc croyez-vous mourir ? lui demanda l’archevêque de Reims.

» — Je n’en sais rien, répondit la sainte fille : ce sera