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JEANNE D’ARC.

par une grosse pierre qui brisa son casque sur sa tête. Son acier et ses cheveux de femme la sauvèrent. Elle se releva des eaux, et emporta la ville.

Suffolk se rendit a un de ses chevaliers. Elle poussait toujours l’armée en avant. « Vous avez peur, gentil sire, disait-elle en souriant au duc d’Alençon, qui unissait la prudence au courage ; mais ne craignez rien, j’ai promis de vous ramener sain et sauf à votre femme ! »

On cherchait une autre armée anglaise commandée par Talbot dans la Beauce. Séparé de cette armée par une forêt, Lahire, qui menait l’avant-garde, ne savait quel sentier prendre. Un cerf, parti sous les pieds de son cheval, se précipite dans le camp des Anglais, et les fait découvrir aux cris que ne peut retenir ce peuple chasseur à la vue du cerf. L’armée française, ainsi miraculeusement guidée, marche à eux. Ils succombent. Leurs chefs les plus redoutés, Talbot, Scales, se rendent, et sont traînés captifs avec Suffolk aux pieds du Dauphin. Jeanne, témoin du carnage, après la victoire, s’émeut de tendresse pour les vaincus désarmés ; elle descend de son cheval, donne la bride à son page, relève des blessés de l’herbe trempée de sang, et les panse de ses propres mains.

Le régent, duc de Bedford, tremblait dans Paris.

Tous nos malheurs, écrivait-il au cardinal de Winchester, sont dus à une jeune magicienne qui a rendu, par ses sortilèges, l’âme aux Français. »

Le duc de Bourgogne, rappelé de Flandre par Bedford, revint encourager et défendre Paris avec les Anglais.

Cependant Jeanne, après cette victoire, était retournée vers le roi. Elle l’avait enfin décidé à se rendre à Reims. On tourna Paris par Auxerre, et on marcha sur Troyes, capitale de la Champagne. La ville se rendit à la voix de la libératrice d’Orléans.

Jeanne, en se rapprochant de son pays, excitait à la fois