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JEANNE D’ARC.

priai de me consoler et de m’assister dans ma détresse ; — Vous dit-elle qu’elle vous sauverait du péril où vous êtes ? — A cela je n’ai rien à répondre. »

Les questions de l’évêque la pressant davantage, elle lui répéta de nouveau qu’il courait un grand danger dans son âme en se montrant à la fois son juge et son ennemi. « Les petits enfants, ajouta-t-elle, disent qu’on pend bien souvent les innocents pour avoir répondu la vérité. — Vous croyez-vous en état de grâce devant Dieu ? » lui demanda l’évêque. Elle réfléchit un peu, puis elle répondit, en femme attentive à la fois à Dieu et aux hommes, ne voulant ni offenser l’un ni scandaliser les autres : « Si je n’y suis pas, qu’il plaise à Dieu de m’y rétablir ; et si j’y suis, qu’il plaise à Dieu de m’y maintenir ! »

Cette sage réponse déconcerta les accusateurs, et ils dirigèrent l’interrogatoire du côté politique.

« Les habitants de Domrémy tenaient-ils, lui demanda-t-on, pour les Bourguignons ou pour les Armagnacs ? — Je ne connaissais qu’un homme du parti des Bourguignons. » C’était son compère, parrain d’un enfant dont elle était marraine, à qui une fois elle avait dit : « Si vous n’étiez pas du parti des Bourguignons, je vous dirais bien une chose. » Mais la différence d’opinion lui ferma la bouche et le cœur sur ses visions avec cet homme. « Alliez-vous avec les petits enfants du village qui se séparaient, par jeu, en camps des Français et des Anglais pour s’entre-combattre ? — Je n’ai pas mémoire d’y avoir été ; mais je les ai bien vus quelquefois revenir tout blessés et saignants de ces batailles. — Aviez-vous dans votre jeune âge de la haine vive contre les Bourguignons ? — J’avais bien bonne volonté que le Dauphin eût son royaume. »

On la congédia pour ce jour-là.

Elle comparaît de nouveau le 27 février. Son angoisse était telle, qu’elle troublait la pensée de ses juges eux-