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JEANNE D’ARC.

de longs combats elle avait obtenu de son oncle qu’il la menât à Vaucouleurs, où le sire de Baudricourt lui avait dit, en la laissant partir pour Chinon : « Va-t’en, et qu’il en advienne ce qu’il plaira à Dieu ! »

Elle raconta, sans vanité comme sans crainte, sa présentation au Dauphin, et l’instinct qu’elle avait eu de le reconnaître entre tous. On lui demanda ce qu’elle avait dit en secret au Dauphin ; elle refusa de s’expliquer, de peur de révéler des scrupules du roi sur la légitimité de sa naissance. Interrogée si elle avait vu quelque signe divin ou quelque esprit céleste autour du front du Dauphin : « Excusez-moi de ne rien répondre sur ceci, » dit-elle. Et elle rentra dans son cachot pour cette nuit-là.

L’évêque, à l’ouverture de la troisième séance, l’admonesta de nouveau pour qu’elle eût à dire la vérité sur toutes choses, même les choses d’État, dont elle serait interrogée. « Monseigneur l’évêque, dit-elle, réfléchissez bien que vous êtes mon juge, et que vous prenez une grande charge devant Dieu, si vous me pressez trop. » Innocente devant l’Église, elle sentait qu’elle serait infailliblement coupable devant les ennemis du roi ; et, en écartant les interrogations politiques, elle écartait la mort. L’évêque le savait comme elle ; il la pressa en vain de tomber dans son piége. « Non, dit-elle, je dirai tout vrai, mais je ne dirai pas tout ! » Ce fut ainsi qu’elle restreignit son serment pour restreindre son danger.

On reprit l’interrogatoire, dans l’intention de tirer de la naïveté de la jeune fille des aveux de sorcellerie. « Vous entendez encore votre voix intérieure ? — Oui. Quand l’avez-vous entendue la dernière fois ? — Hier, et encore aujourd’hui. — Que faisiez-vous quand la voix vous parla ? — Je dormais, et elle m’éveilla. — Vous êtes-vous mise à genoux pour lui répondre ? — Non ; je la remerciai seulement de sa consolation, étant assise sur mon lit, et je la