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JEANNE D’ARC.

dame de Beaurevoir, quand j’étais prisonnière dans leur château. Elles m’offrirent habits de femme, ou drap pour les faire. Je répondis que je n’en avais pas encore congé de Dieu, et que le temps n’en était pas venu. Et si j’eusse cru pouvoir le faire innocemment, je l’aurais plutôt fait à ces deux bonnes dames que pour complaire à aucunes dames qui soient en France, excepté la reine. » On sentait que les égards et les compassions des femmes de la maison de Luxembourg l’avaient touchée d’une reconnaissance qu’elle se plaisait à leur témoigner jusque devant la mort.

« N’avez-vous point fait faire d’image de vous à votre ressemblance ? Ne disait-on pas prière et oraison dans les camps et dans les villes en votre nom ? — Si ceux de notre cause ont prié en mon nom, je l’ignore, et ils ne l’ont point fait de mon consentement. S’ils ont prié pour moi, il me semble qu’à cela il n’y avait point de mal. Beaucoup de gens me voyaient, il est vrai, avec joie ; et, se pressant autour de moi, baisaient mes habits, mes armes, mon étendard, et ce qu’ils pouvaient atteindre de moi ; mais c’était parce que les pauvres m’approchaient avec confiance, que je ne leur faisais ni déplaisir ni affront, mais que je les soulageais et les préservais autant que je pouvais des maux de la guerre. Les femmes et les filles faisaient toucher leurs anneaux à l’anneau de mon doigt, mais je ne connaissais point en elles de mauvaise intention à ceci. Pendant que j’étais à Reims, à Château-Thierry, à Lagny, il est vrai que plusieurs me requéraient d’être marraine de leurs enfants, et que j’y consentais. Mais je ne fis jamais de miracles. L’enfant qu’on me pria de tenir à Lagny avait trois jours ; les jeunes filles l’apportèrent à Notre-Dame, pour la prier de lui donner la vie. J’allai avec elles prier a son autel. Finalement, l’enfant donna signe de vie, remua les lèvres, et fut baptisé, puis mourut aussitôt. — Le roi ne