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JEANNE D’ARC.

vous donna-t-il pas écu, armes et trésors, pour son service ? — Je n’eus ni écu, ni armes ; mais le roi en donna à mes frères. Quant à moi, je n’eus de lui que mes chevaux, cinq de bataille et sept de route, et l’argent pour payer mes hôtes. »

On revint sur le signe qu’elle avait donné au Dauphin, et on lui demanda de le décrire. Mais elle, parlant en double sens, et faisant allusion à ce signe, qui n’était autre que le royaume de France : « Aucun, dit-elle, ne pourrait en décrire la richesse. Quant à vous, ajouta-t-elle avec un dédaigneux enjouement qui attestait la liberté de son esprit, le signe qu’il vous faut, c’est que Dieu me délivre de vos mains, et c’est le plus éclatant qu’il vous puisse envoyer ! »

Elle avoua, dans les séances suivantes, que son père avait eu un songe pendant qu’elle était enfant, dans lequel songe il avait vu avec terreur sa fille Jeanne guerroyant avec les gens d’armes. Requise de parler de ses révélations, elle tranche d’un mot les piéges, et répond que tout ce qu’elle a fait de bien, elle l’a fait par ses propres inspirations.

On lui demanda s’il n’y avait aucun signe magique sur un anneau qu’elle portait au doigt, et pourquoi elle regardait cet anneau avec piété au moment des batailles. C’est, dit-elle, qu’il y avait gravé sur le laiton le nom de Jésus, et parce qu’aussi cet anneau lui rappelant avec plaisance son père et sa mère, elle aimait alors à le sentir en sa main et à son doigt. « Pourquoi, lui dit-on, fîtes-vous porter votre étendard en la cathédrale de Reims, au sacre du roi ? — Il avait été à la peine, répondit Jeanne en animant à son cœur le signe inanimé ; c’était bien justice qu’il fût au triomphe ! »

Tentée d’abord dans sa simplicité, puis dans son patriotisme, il restait à la tenter dans sa conscience. La tentation, sur ce point, était sûre de vaincre. L’université, l’in-