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JEANNE D’ARC.

ce qu’il devait faire : « Il faut, dit l’Anglais, l’admettre à la pénitence. » C’était lui octroyer la vie. Pendant que les courtisans de Winchester se querellaient avec l’évêque de Beauvais sur l’échafaud, prétendant qu’il avait favorisé l’accusée, et pendant que l’évêque les démentait avec colère, un secrétaire s’approcha de Jeanne, et lui présenta la plume pour signer la rétractation, qu’elle ne pouvait lire. La pauvre fille rougit et sourit à sa propre ignorance, en roulant gauchement la plume dans ses doigts qui maniaient si bien l’épée. Elle traça, sous la direction de l’huissier, un rond, et au milieu une croix, signature symbolique de son martyre. Puis on lui fut sa sentence de grâce, qui la condamnait à passer le reste de sa vie en prison, pour y déplorer ses péchés au pain de douleur et à l’eau d’angoisse.

A ces mots, les partisans du régime anglais et les soldats de cette cause, trompés dans leur espoir de vengeance par une sentence qui leur paraissait une lâcheté du moment qu’elle n’était pas la mort, murmurèrent s’agitèrent, l’ameutèrent tumultueusement autour du tribunal ; et, ramassant les pierres et les ossements du cimetière, les lancèrent sur l’échafaud contre le cardinal, l’évêque, les juges et les docteurs : « Misérables prêtres fainéants, vous trahissez le roi ! » Mais les juges, pour échapper à cette grêle de pierres et pour traverser en sûreté la foule, disaient aux plus furieux : « Soyez tranquilles, nous la retrouverons bien d’une autre façon ! »

Jeanne s’étonnait plus que de la mort de la haine de ce peuple qu’elle aimait tant.

Elle rentra au château, poursuivie par les vociférations de la multitude. Elle y retrouva les fers, les piéges et les outrages de ses ennemis.

« Les affaires de notre roi tournent mal, dit le commandant du château, Warwick : la fille ne sera pas brûlée ! »