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CHRISTOPHE COLOMB.

monta sur des vaisseaux que sa patrie prêta au duc d’Anjou pour conquérir Naples, sur la flotte que le roi de Naples envoya attaquer Tunis, sur les escadres dont Gênes combattait l’Espagne. Il s’éleva, dit-on, à des commandements d’obscures expéditions navales dans la marine militaire de son pays. Mais l’histoire le perd de vue dans ces commencements de sa vie. Sa destinée n’était pas la ; il se sentait à l’étroit dans ces petites mers et dans ces petites choses. Sa pensée était plus grande que sa patrie. Il méditait une conquête pour l’espèce humaine, et non pour une étroite république de la Ligurie.

Dans les intervalles de ses expéditions, Christophe Colomb trouvait à la fois, dans l’étude de son art, la satisfaction de sa passion pour la géographie et pour la navigation, et son humble fortune. Il dessinait, gravait et vendait des cartes marines ; ce petit commerce suffisait péniblement à son existence. Il y cherchait moins le lucre que le progrès de la science. Son esprit et ses sens, continuellement fixés sur les astres et les mers, poursuivaient par la pensée un but entrevu par lui seul.

Un naufrage, à la suite d’un combat naval et de l’incendie d’une galère qu’il montait dans la rade de Lisbonne le fixa en Portugal. Il se précipita dans la mer pour échapper aux flammes, se saisit, d’une main, d’une rame, et, nageant de l’autre main vers la côte, il atteignit le rivage. Le Portugal, saisi tout entier alors de sa passion des découvertes maritimes, était un séjour convenable à ses inclinations. Il espérait y trouver des occasions et des moyens de s’élancer à son gré sur l’océan ; il n’y trouva que le travail ingrat du géographe sédentaire, l’obscurité et l’amour. En allant, chaque jour, assister aux offices religieux dans l’église d’un couvent de Lisbonne, il s’éprit d’attachement pour une jeune recluse dont la beauté l’avait frappé. C’était la fille d’un noble italien attaché au service du Portugal.