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CHRISTOPHE COLOMB.

dites immobiles ou flottantes, qui se montraient par des temps sereins, qui disparaissaient ou qui s’éloignaient quand des pilotes téméraires cherchaient à en approcher. Un voyageur vénitien, Marco Polo, qu’on regardait alors comme un inventeur de fables, et dont le temps a reconnu depuis la véracité, racontait, à l’Occident, les merveilles des continents, des États et des civilisations de la Tartarie, de l’Inde, de la Chine, que l’on supposait se prolonger là où s’étendent en réalité les deux Amériques. Colomb lui-même se flattait de trouver, à l’extrémité de l’Atlantique, ces contrées de l’or, des perles et de la myrrhe, dont Salomon tirait ses richesses ; cet Ophyr de la Bible, recouvert depuis des nuages du lointain et du merveilleux. Ce n’était pas un continent nouveau, mais un continent perdu qu’il cherchait. L’attrait du faux le menait à la vérité.

Il supposait dans ses calculs, d’après Ptolémée et d’après les géographes arabes, que la terre était un globe dont on pourrait faire le tour. Il croyait ce globe moins vaste qu’il ne l’est de quelques milliers de lieues. Il s’imaginait, en conséquence, que l’étendue de mer à parcourir pour arriver à ces terres inconnues de l’Inde était moins immense que les navigateurs ne le pensaient. L’existence de ces terres lui semblait confirmée par les témoignages étranges des pilotes qui s’étaient avancés le plus loin au delà des Açores. Les uns avaient vu flotter sur les vagues des branches d’arbres inconnus en Occident ; les autres, des morceaux de bois sculptés, mais qui n’avaient pas été travaillés à l’aide d’outils de fer ; ceux-là, des sapins monstrueux creusés en canots d’un seul tronc, qui pouvaient porter quatre-vingts rameurs ; ceux-ci, des roseaux gigantesques ; d’autres, enfin, des cadavres d’hommes blancs ou cuivrés dont les traits ne rappelaient en rien les races occidentales, asiatiques ou africaines.