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CHRISTOPHE COLOMB.

riques et contraires à toutes les lois de la physique et de la religion.

Un second conseil d’examen, auquel Colomb en appela avec la permission du roi, aggrava encore cette première décision. Toutefois, par une perfidie ignorée du roi, ses conseillers communiquèrent les plans de Colomb à un pilote, et firent partir secrètement un navire pour tenter à son insu la route qu’il indiquait vers l’Asie. Ce navire, qui avait cinglé quelques jours au delà des îles Açores, revint épouvanté du vide et de l’immensité de l’espace qu’il avait entrevu, et confirma le conseil dans le mépris des conjectures de Colomb.

Pendant ces inutiles sollicitations à la cour de Portugal, l’infortuné Colomb avait perdu sa femme, l’amour, la consolation et l’encouragement de ses pensées. Sa fortune, négligée pour ses perspectives de découverte, était ruinée ; ses créanciers s’acharnaient sur les fruits de ses travaux, saisissaient ses globes et ses cartes, et menaçaient même sa liberté. Beaucoup d’années avaient été perdues ainsi dans l’attente ; son âge mûr s’avançait, son enfant grandissait ; les extrémités de la misère étaient le seul patrimoine qu’il envisageait, au lieu d’un monde qu’il avait entrevu pour lui. Il s’évada nuitamment de Lisbonne, à pied, sans autre ressource que l’hospitalité sur sa route ; et tantôt menant son fils Diego par la main, tantôt le portant sur ses robustes épaules, il entra en Espagne, décidé à offrir à Ferdinand et à Isabelle, qui y régnaient alors, cet empire ou ce continent refusé par le Portugal.

C’est en poursuivant ce long pèlerinage vers le séjour mobile de la cour d’Espagne, qu’il était arrivé à la porte du monastère de la Rabida, près de Palos. Il se proposait de se rendre d’abord à la petite ville de Huerta, dans l’Andalousie, habitée par un frère de sa femme, de déposer son fils Diego entre les mains de ce beau-frère, et d’aller