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CHRISTOPHE COLOMB.

permettrait jamais de remonter cette pente pour revenir en Europe. De ces préjugés divers sur la nature, la forme, l’étendue, les montées et les décentes de l’Océan, se composait une terreur générale et mystérieuse qu’un génie investigateur pouvait seul aborder par la pensée, et qu’une audace surhumaine pouvait seule affronter de ses voiles. C’était la lutte de l’esprit humain contre un élément ; pour le tenter, il fallait plus qu’un homme.

L’attrait invincible du pauvre géographe vers cette entreprise était le véritable lien qui retenait tant d’années Colomb à Lisbonne comme dans la patrie de ses pensées. C’était le moment où le Portugal, gouverné par Jean II, prince éclairé et entreprenant, se livrait, dans un esprit de colonisation, de commerce et d’aventures, à des tentatives navales incessantes pour relier l’Europe à l’Asie, et où Vasco de Gama, le colon portugais, n’était pas loin de découvrir la route maritime des Indes par le cap de Bonne-Espérance. Colomb, convaincu qu’il trouverait une route plus large et plus directe en s’élançant droit devant lui vers l’ouest, obtint, après de longues sollicitations, une audience du roi, pour lui révéler ses plans de découverte et pour lui demander les moyens de les accomplir au profit de la fortune et de la gloire de ses États. Le roi l’écouta avec intérêt. La foi de cet inconnu dans ses espérances ne lui parut pas assez dénuée de fondement pour la reléguer au rang des chimères. Colomb, indépendamment de son éloquence naturelle, avait l’éloquence de sa conviction. Il émut assez le roi pour que ce prince chargeât un conseil composé de savants et de politiques, d’examiner les propositions du navigateur génois, et de lui faire un rapport sur les probabilités de son entreprise. Ce conseil, composé du confesseur du roi et de quelques géographes d’autant plus accrédités dans sa cour qu’ils s’écartaient moins des préjugés vulgaires, déclara les idées de Colomb chimé-