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CHRISTOPHE COLOMB.

surnaturels, descendus pendant les ténèbres du firmament de cristal qui entourait leur horizon, des habitants du ciel flottant sur des ailes et s’abattant à leur gré sur les rivages dont ils étaient les dieux. Saisis de respect à la vue des chaloupes qui abordaient leur île et des hommes revêtus de tissus éclatants et d’armes où se réverbérait la lumière, ils avaient fini par s’en approcher, comme fascinés par leur toute-puissance. Ils les adoraient et les imploraient avec la naïveté d’enfants qui ne soupçonnent pas le mal sous l’attrait. Les Espagnols, les examinant à leur tour, s’étonnaient de ne retrouver dans ces insulaires aucun des caractères physiques de conformation et de couleur des races africaines, asiatiques, européennes, qu’ils avaient l’habitude de fréquenter. Leur teint cuivré, leur chevelure souple et répandue en ondes sur leurs épaules, leurs yeux sombres comme leur mer, leurs traits délicats et féminins, leur physionomie confiante et ouverte, leur nudité enfin, et les dessins coloriés dont ils teignaient leurs membres, révélaient en eux une race entièrement distincte des familles humaines répandues sur l’hémisphère ancien, race conservant encore les simplicités et les douceurs de l’enfance, oubliée pendant des siècles dans ce fond ignoré du monde, ayant, à force d’ignorance, conservé la simplicité, la candeur et la douceur des premiers jours.

Colomb, persuadé que cette île était un appendice avancé sur l’océan des Indes, vers lesquelles il croyait toujours naviguer, leur donna le nom imaginaire d’indiens, qu’ils ont conservé jusqu’à leur extinction, par une erreur de langage survivant à l’erreur du navigateur.

Bientôt ces Indiens, s’apprivoisant avec leurs hôtes, leur montrèrent leurs sources, leurs habitations, leurs villages, leurs canots, leur apportèrent en tribut leurs fruits nourriciers, leur pain de cassave, qui renouvela les vivres des Espagnols, et quelques ornements d’or pur, qu’ils portaient