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CHRISTOPHE COLOMB.

suspendus aux oreilles, aux narines, en bracelets ou en colliers autour du cou et des jambes des femmes. Ils ignoraient le commerce et l’usage de la monnaie, ce supplément vénal mais nécessaire à la vertu de l’hospitalité ; ils recevaient en échange avec ivresse les moindres objets usuels des Européens. La nouveauté faisait à leurs yeux le prix de toute chose. Rare et précieux est le même mot par tout l’univers. Les Espagnols, qui cherchaient le pays de l’or et des pierreries, s’informèrent par signes des lieux d’où venait ce métal. Les Indiens leur montrèrent le midi ; l’amiral et ses compagnons crurent comprendre qu’il y avait de ce côté une île ou un continent des Indes correspondant par sa richesse et par ses arts aux merveilleux récits de Marco Paolo, le Vénitien. Cette terre dont ils se croyaient maintenant rapprochés était, selon eux, l’île fabuleuse de Cipangù ou du Japon, dont le souverain foulait sous ses pieds des planchers formés de plaques d’or. L’impatience de reprendre leur course vers ce but de leur chimère ou de leur avidité les fit remonter promptement sur leurs vaisseaux. Ils s’étaient approvisionnés d’eau fraîche aux ruisseaux de l’île, et leurs ponts étaient chargés des fruits des racines et des cassaves, présents de ces heureux et pauvres Indiens. Ils en amenèrent un avec eux pour apprendre leur langue et leur servir ensuite d’interprète.

En tournant l’île de San-Salvador, ils se trouvèrent comme égarés dans les canaux d’un archipel composé de plus de cent îles d’inégale grandeur, mais toutes à l’aspect le plus luxuriant de jeunesse, de fécondité, de végétation. Ils abordèrent la plus vaste et la plus peuplée. Ils furent entourés de canots creusés dans un seul tronc d’arbre, et commercèrent avec les habitants, donnant des boutons et des grelots contre de l’or et des perles. Leur navigation et leurs relâches au milieu de ce labyrinthe d’îles inconnues ne fut pour eux que la répétition de leur atterrage à San--