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BOSSUET.

sanctuaire intérieur ; s’il se laisse soulever peu à peu par l’inspiration, comme l’aigle d’abord pesant, dont les premiers battements d’ailes ont peine à embrasser assez d’air pour élever son vol ; s’il prend enfin son souffle et son essor, s’il ne sent plus la chaire sous ses pieds, s’il respire à plein souffle l’esprit divin, et s’il épanche intarissablement de cette hauteur démesurée l’inspiration ou ce qu’on appelle la parole de Dieu à son auditoire, cet homme n’est plus un homme, c’est une voix.

Et quelle voix !… Une voix qui ne s’est jamais enrouée, cassée, aigrie, irritée, profanée dans nos rixes mondaines et passionnées d’intérêts ou du siècle ! une voix qui, comme celle du tonnerre dans les nuées ou de l’orgue dans les basiliques, n’a jamais été qu’un organe de puissance ou de persuasion divine à nos âmes ! une voix qui ne parle qu’à des auditeurs à genoux ! une voix qu’on écoute en silence, à laquelle nul ne répond que par une inclination de front ou par des larmes dans les yeux, applaudissements muets de l’âme ! une voix qu’on ne réfute et qu’on ne contredit jamais, même quand elle étonne ou qu’elle blesse ! une voix enfin qui ne parle ni au nom de l’opinion, chose fugitive ; ni au nom de la philosophie, chose discutable ; ni au nom de la patrie, chose locale ; ni au nom de la souveraineté du prince, chose temporelle ; ni au nom de l’orateur lui-même, chose transformée ; mais au nom de Dieu, autorité de langage qui n’a rien d’égal sur la terre, et contre laquelle le moindre murmure est impiété et la moindre protestation blasphème !

Voila la tribune du sacerdoce ! voila le trépied du prophète, voilà la chaire de l’orateur sacrée ! On ne peut y voir que Bossuet, et on ne peut voir Bossuet ailleurs. Son histoire n’est que l’histoire de cette éloquence. L’homme était digne de sa tribune : les autres éloquences ne montent pas à ces hauteurs. Les noms qui la représentent restent