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BOSSUET.

avait ainsi abattu celles de Paris. On avait tendu des chaînes sur le bord des rues que le cardinal devait suivre en se rendant au Louvre, pour contenir la curiosité de la foule. Elle contemplait avec stupeur, à travers des fenêtres de cristal, le cardinal à demi couché sur un lit de pourpre, dictant son secrétaire, assis devant sa table, on ne sait quels ordres d’ostentation pour ses ministres. On s’inclinait devant le prêtre en frémissant devant le tyran.

Bossuet éprouva une profonde et durable impression de ce triomphe. C’était l’image vivante de cette théocratie et de cette monarchie égyptiennes liées l’une a l’autre par une indissoluble solidarité d’empire, mais où le roi s’abaissait devant le prêtre, et où le peuple se prosternait devant tous les deux. Cette première apparition fortuite, le jour même de son arrivée à Paris, dut faire rêver on ne sait quoi d’antique à ce jeune homme. C’était la pourpre du prince de l’Église et la toute-puissance du ministre en perspective dans un même homme. Bossuet, par sa profession, devait aspirer à l’un, par son génie à l’autre. On verra bientôt que, si ce ne fut pas sa destinée, ce fut du moins jusqu’à la mort son système.

Le jeune homme fut admis, par l’influence de sa famille, dans un de ces établissements, moitié laïques, moitié religieux, où l’Église, maîtresse alors de l’Université, se préparait des néophytes. On appelait cette maison le collége de Navarre. Bossuet en était à la fois membre et disciple. Il y jouissait de la liberté dans une discipline décente, protectrice des bonnes mœurs et des études de la jeunesse. Il fut bientôt reconnu à Paris, comme à Dijon, pour un prédestiné de l’éloquence. L’Université le choisit, au talent, pour les harangues d’apparat dans les jours de solennité. Les évêques et les ministres auxquels il parla à ce titre furent ravis de la convenance, de la dignité et de l’élocution de ce jeune homme. Son nom se répandit comme le