Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 36.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
BOSSUET.

devant elle dans une chapelle de monastère de femmes. Il caressa le cœur de la mère en faisant une comparaison un peu adulatrice entre cette reine qui avait formé un roi pour le trône et cette Vierge qui avait élevé un Dieu pour la croix. L’adulation, ennoblie par la maternité, n’enleva rien à la sainteté du discours. L’orateur fut plutôt le consolateur d’une disgrâce que le courtisan d’une reine. Anne d’Autriche pleura d’admiration et de reconnaissance. Elle voulut que le jeune orateur notât les pensées et les mouvements de ce discours, pour le répéter une autre fois devant elle dans une plus vaste enceinte. Le poëte sacré Santeuil, qui avait été admis dans ce cénacle d’auditeurs privilégiés, à la suite de la reine, fut si enthousiasmé de la poésie oratoire du prédicateur, que des souvenirs du sermon il composa une hymne, chantée encore aujourd’hui dans les temples, comme un retentissement en vers des sublimités de Bossuet.

Ces succès firent rechercher Bossuet par tous les monastères qui voulaient illustrer leur église par cette série de discours pieux qu’on appelle des carêmes, thème uniforme de tous les mystères et de tous les anniversaires, varié par la fécondité et par le talent des orateurs.

Le premier carême de Bossuet fut prêché dans l’église des Carmélites de la montagne Sainte-Geneviève, quartier a la fois monastique et littéraire de Paris. On raconte que les maîtres et les disciples des collèges voisins, les académiciens, les théologiens des différentes factions qui divisaient l’Église entre les jésuites et les jansénistes, se disputaient dès l’aurore les places autour de la tribune de Bossuet. Quand il était redescendu de la chaire, des groupes, d’abord recueillis, puis peu à peu agités par la discussion, se formaient dans la vaste cour du monastère pour voir passer l’homme de l’éloquence. Les uns interprétaient ses paroles en faveur de leurs opinions, les autres le