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BOSSUET.

revendiquaient pour leur secte ; mais tous s’accordaient à proclamer en lui le prodige de la chaire. L’unanimité d’enthousiasme faisait un moment la paix entre les partis. Bossuet, en effet, s’élevait au-dessus de tous par la haute impartialité du dédaín. Il cherchait l’Église plus loin que ces sectes, et Dieu plus haut que ces disputes ; il forçait un moment ces hommes à le suivre dans l’éternité.

C’est dans un de ces couvents qu’il s’abandonna un jour, dans un éloge de saint Paul, ce Platon inspiré de la Judée, à un élan d’éloquence que des débris conservés de ce discours nous permettent de citer. On y voit Bossuet lui-même transparent et pour ainsi dire transfiguré dans saint Paul ; c’est Michel-Ange imprimant de son rude ciseau ses propres traits et sa propre inspiration sur le visage de sa statue de Moïse.

« Chrétiens, dit-il

» N’attendez pas de l’Apôtre, ni qu’il vienne flatter les oreilles par des cadences harmonieuses, ni qu’il veuille charmer les oreilles par de vaines curiosités. Écoutez ce qu’il dit lui-même : « Nous prêchons une sagesse cachée ; nous prêchons un Dieu crucifié. Ne cherchons pas de vains ornements à ce Dieu qui rejette tout l’éclat du monde. Si notre simplicité déplaît aux superbes, qu’ils sachent que nous voulons leur déplaire, que Jésus-Christ dédaigne leur faste insolent, et qu’il ne veut être connu que des humbles. Abaissons-nous donc à ces humbles, faisons-leur des prédications dont la bassesse tienne quelque chose de l’humiliation de la croix, et qui soient dignes de ce Dieu qui ne veut vaincre que par la faiblesse. »

» C’est pour ces solides raisons que saint Paul rejette tous les artifices de la rhétorique. Son discours, bien loin de couler avec cette douceur agréable, avec cette égalité tempérée que nous admirons dans les orateurs, paraît inégal et sans suite à ceux qui ne l’ont pas assez pénétré ; et