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MILTON.

ennemis : nous deviendrons la risée de l’histoire. Toutes nos victoires sur la tyrannie seront vaines, tout le sang versé sera perdu ; les fils auront volontairement anéanti le prix des vies données par leurs pères à la cause de la liberté ! »

Il proposa du moins de sauver la liberté parlementaire, en donnant plus d’étendue au droit électoral, pour faire contre-poids, par la représentation de toutes les classes du peuple, au despotisme de l’aristocratie, du clergé et de la cour, dont il voyait la prochaine restauration ; mais il voulait que ce suffrage universel fût épuré de l’élément démagogique, éclairé par l’intelligence des électeurs, hiérarchisé par plusieurs degrés d’élection. Le nombre seul, à ses yeux comme aux nôtres, était le matérialisme de l’élection. Tout droit, selon lui, présupposait la moralité et la capacité. Tout à ses conditions d’ordre dans la politique, même la liberté. Ses derniers écrits d’homme d’État attestent en lui une expérience mûrie par l’exercice du gouvernement, et un sens politique qui répugnait aux chimères, même dans sa cause.

La restauration de Charles II le surprit dans ses travaux, devenus vains par la trahison de l’armée : elle avait vendu la patrie, après l’avoir conquise. Charles II n’était point vindicatif, il n’était que léger. Il amnistiait tout le monde, même les régicides ; mais son retour ramenait les royalistes au parlement, et les royalistes, comme tous les partis, étaient implacables. Ils firent violence au caractère de mansuétude du jeune roi, ils demandèrent des proscriptions et des têtes.

Milton, qui avait trempé, sinon sa main, du moins sa plume dans le sang du régicide et dans les massacres d’Irlande, pires que ceux de septembre en 1792, se hâta de disparaître pour être oublié. Il se démit de ses fonctions et se retira dans un faubourg obscur de Londres, pour laisser