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BOSSUET.

récents adieux, retrace au bruit des sanglots de ceux qui sentent le vide de cette disparition dans leurs cœurs ; enfin cette voix sereine et inaltérable du sacerdoce qui domine ces honneurs, ces vanités, ces sanglots, et qui recommande à ceux-ci de pleurer, à ceux-là de se consoler, à tous de se confondre devant le mystère de la volonté de Dieu et devant la souveraineté de la mort : voilà la scène, à la fois tragique, théâtrale et sainte, qui fascina Bossuet et qui lui fit résoudre de ne plus prendre pied dans ses harangues que sur un tombeau, et de ne plus aborder son auditoire qu’entre le temps et l’éternité.

Cette résolution était déjà du talent, car le caractère à la fois littéraire, historique, pathétique et religieux de ces discours autorisait l’orateur à se montrer un grand artiste, sans cesser d’être un grand apôtre. Il accomplit avec une inimitable supériorité de parole ce qu’il avait conçu avec tant de sagacité ; il vivait dans un siècle où les occasions de louer, de pleurer et de s’étonner ne manquaient pas. Le siècle était plein de grandes choses et de grands hommes. L’éloquence de Bossuet, comme une pleureuse antique, les attendait au bord du cercueil.

L’amitié ou la reconnaissance personnelle qu’il portait à ces grandes mémoires ajoutait en général une note plus pathétique à ces éloges. Le cœur montait aux lèvres, on sentait que l’orateur prenait sa part dans les tristesses qu’il remuait au fond des autres âmes.

Ce fut ainsi qu’il fit, en 1667, l’oraison funèbre d’Anne d’Autriche, mère de Louis XIV. Cette princesse, belle, sensible, politique, tendre et pieuse, avait été le jouet de toutes les fortunes et de toutes les infortunes des cours. Épouse d’un mari froid, bizarre et scrupuleux, qui tremblait devant le cardinal de Richelieu, son ministre, elle n’avait connu du titre de reine que les ombragés et les servitudes dont ce ministre l’environnait pour se prémunir