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BOSSUET.

contre l’ascendant de sa jeunesse et de sa beauté. Veuve de bonne heure et mère d’enfants que leur âge tendre éloignait du trône, la minorité de ses fils avait été une longue tempête, d’où les manœuvres de Mazarin avaient sauvé laborieusement leur berceau. Attachée par politique et peut-être par sentiment à cet aimable et habile ministre, elle avait tellement mêlé sa fortune à la sienne, qu’elle avait préféré l’exil avec lui au trône sans lui. Les factions et la Fronde l’avaient ballottée de l’outrage à l’adoration, et de l’adoration à l’ingratitude. Le roi majeur et Mazarin mort, elle n’avait semblé tenir à la vie que par la résignation et par la douleur. Une maladie lente et cruelle l’avait torturée jusqu’au tombeau ; elle venait enfin d’y descendre. Épouse déshéritée de l’amour d’un mari imbécile, reine méconnue d’un peuple turbulent, amie d’un ministre haï de ses sujets, mère d’un roi dont elle avait préparé le règne par sa constance, Anne d’Autriche devait subir encore les injustices de la postérité, en n’occupant pas jusqu’ici dans l’histoire la place éminente que la France lui doit parmi ses femmes les plus accomplies et parmi ses reines les plus consommées. Bossuet lui-même ne lui rendait pas alors la justice et les hommages qui lui reviennent. Mais il se souvenait du moins qu’elle avait été la première à l’admirer lui-même. Il lui devait un des premiers tributs de cette voix qu’elle avait fait connaître à son fils. Ce discours ne fut pas imprimé alors. Les larmes pour les infortunes et les admirations pour sa piété furent sa seule éloquence. Bossuet oublia la politique pour la vertu ; mais il était trop plongé dans le règne du fils pour parler avec équité de la mère.

En descendant de la chaire, il apprit la maladie de son père. Il courut à Metz recevoir son dernier adieu. Le père de Bossuet avait résigné depuis quelques années sa place au parlement pour entrer, sur les pas de son fils, dans le sacerdoce. Bossuet, par son influence auprès du distribu-