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BOSSUET.

passage de la terre au ciel. Bossuet, rencontré trop tard à Paris, était accouru au milieu de la nuit. Il s’était jeté à genoux au pied du lit de la princesse ; il avait pleuré, prié, consolé jusqu’au jour ; il avait entendu les dernières confidences et reçu le dernier soupir.

Un moment avant d’expirer, Henriette, appelant du geste une de ses femmes, lui avait dit en anglais, pour n’être pas comprise de Bossuet : « Quand je serai morte, détachez de mon doigt cette émeraude, et donnez-la à ce saint évêque, en mémoire de moi ! »

Tout ce drame de l’agonie, qui n’était que terreur et pitié pour les autres, était souvenir, image et tendresse pour lui ; il racontait ce qu’il avait vu, il ressentait ce qu’il avait senti, il admirait ce qu’il avait admiré ! On entendait dans ses paroles le tumulte du palais réveillé par la mort, le sur saut des serviteurs, l’empressement des amis, le gémissement des femmes, l’étonnement des indifférents, le cri de la cour et de la ville : « Elle se meurt ! elle est morte ! » cri où le coup ne laissait pas de temps à la menace ni le désespoir à la respiration ; on assistait à cette sanctification foudroyante d’une femme à qui le ciel ne donne que des minutes pour mûrir en un clin d’œil à l’éternité. « Ce peu d’heures, racontait Bossuet, saintement passées parmi les plus rudes épreuves, tiennent lieu toutes seules d’un âge accompli. Le temps a été court, je l’avoue, mais l’opération de la grâce a été forte, et le concours de l’âme a été parfait ! La grâce se plaît quelquefois à renfermer en un seul jour la perfection d’une longue vie !!!

» Non, reprend-il après quelques élans de contemplation sur les avantages de naissance, de rang, de beauté, de charmes, de cette morte : non, après ce que nous venons de voir, la santé n’est qu’un nom, la vie n’est qu’un songe, la gloire n’est qu’une apparence, les grâces et les plaisirs ne sont qu’un dangereux amusement ; tout est vain