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FÉNELON.

sent jusqu’à l’exiguïté la part de l’héritage paternel qui reviendrait à chacun d’eux, et ne tissent ainsi déchoir la famille de son rang dans le pays. Un oncle de cette jeune famille, Antoine de Fénelon, informé de ces murmures écrivit à ses neveux pour leur reprocher leurs plaintes.

« Sachez, leur dit-il dans cette lettre, retrouvée dans les archives de la maison, sachez déférer avec confiance et respect aux désirs de votre père : la Providence à ses vues secrètes qu’il n’est pas donné aux familles de percer. Souvent l’illustration et la fortune des maisons viennent des choses qui semblent le plus contraires à nos courtes sagesses. On eût dit que cet oncle, doué du don des présages, entrevoyait de loin, dans l’enfant qui devait naître, l’éternel honneur de son nom.

Peu de temps après naquit de ce mariage François de Fénelon, archevêque de Cambrai. Fils d’un vieillard et d’une jeune épouse, il reçut de la nature la maturité de l’un et les grâces de l’autre. Cultivé dans la maison paternelle, comme un fruit tardif et délicat, il y fut élevé jusqu’à l’âge de douze ans par cette raison de père et cette tendresse de mère qui se retrouvèrent tout entiers plus tard dans son âme, dans son caractère et dans ses œuvres.

La littérature sacrée et la littérature grecque et latine furent, sous un précepteur domestique, les premiers aliments de son imagination. Son intelligence et son cœur, modèles dès son berceau sur ces modèles classiques du bon et du beau dans l’antiquité, en prenaient naturellement l’esprit et les formes. On peut dire, que l’enfant était né en France au dix-septième siècle, mais que son génie était né à Athènes au siècle de Périclès. L’université de Cahors acheva son éducation. Le bruit de ses heureuses dispositions franchit les limites de cette école de sa province, et parvint jusqu’à son oncle, Antoine de Fénelon, le même qui avait si bien auguré de lui avant sa naissance. Cet