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FÉNELON.

tirait par ses ressemblances avec les austérités et les postulats antiques. Sa belle imagination devait avoir, dès sa jeunesse et pendant toute sa vie, sa part dans ses rêves et même dans sa vertu. Ainsi celui qui était destiné à civiliser des cours et à élever des rois n’aspirait qu’à civiliser des sauvages dans la solitude du désert. Le directeur du séminaire de Saint-Sulpice, homme sage et prudent, avertit le marquis Antoine de Fénelon de la résolution de son élève. L’oncle gourmanda tendrement son neveu sur une fausse vocation qui éteindrait, dans les forêts d’Amérique, un flambeau allumé par Dieu pour éclairer un grand siècle. Fénelon résista ; sa famille persista. On l’envoya chez un autre de ses oncles, évêque à Sarlat, qui lui défendit, au nom du ciel, de poursuivre ce dessein téméraire, et qui le fit rentrer au séminaire de Saint-Sulpice pour y consommer son sacrifice et pour y revêtir le caractère sacerdotal. Le jeune homme obéit, devint prêtre, resta à Paris, et fut employé, pendant trois ans, à expliquer les mystères aux enfants du peuple, les jours de fête et les dimanches, dans la sacristie de l’église de Saint-Sulpice.

L’évêque de Sarlat, son oncle, l’appela de ces humbles fonctions dans son diocèse, pour le faire nommer représentant du clergé de la province à l’assemblée générale du clergé. La jeunesse de Fénelon fit échouer l’ambition de son oncle : un autre ecclésiastique de haute naissance obtint les suffrages. Fénelon reprit à Sarlat sa passion d’apostolat lointain et poétique pour la conversion des peuples.

« Je médite, écrit-il alors, un grand voyage. La Grèce s’ouvre devant mes pas ; l’islamisme recule ; le Péloponèse redevient libre ; l’Église de Corinthe refleurit, la voix de l’Apôtre s’y fait encore entendre. Je me vois transporté dans ces belles contrées et parmi ces ruines sacrées pour y recueillir, avec les plus curieux monuments, l’esprit même de l’antiquité. Je visite cet aréopage où saint Paul annonça