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FÉNELON.

aux sages du monde le Dieu inconnu ; mais le profane vient après le sacré, et je ne dédaigne pas de descendre au Pirée, où Socrate fit le plan de sa république. Je ne t’oublierai pas, ô île consacrée par les visions du disciple bien-aimé ! Heureuse Pathmos ! j’irai baiser ta terre sur les pas de saint Jean, et je croirai, comme lui, voir les cieux ouverts ! Je vois déjà le schisme qui tombe, l’Orient et l’Occident qui se réunissent, et l’Asie qui voit renaître le jour, après une si longue nuit ! »

Cette lettre écrite à Bossuet, jeune aussi alors, son ami à ce commencement de la vie, son antagoniste à la fin, ne fut qu’une confidence sans réalisation. L’évêque de Sarlat, qui avait consenti par lassitude, inclina l’esprit de son neveu d’un autre côté par des sollicitations indirectes. Fénelon, rappelé à Paris par l’archevêque M. de Harlay, fut nommé, malgré sa jeunesse, supérieur des nouvelles converties au catholicisme, dont les persécutions de Louis XIV avaient multiplié le nombre à Paris. Il n’avait que vingt-sept ans. La sévérité de ses mœurs, l’ardeur de sa foi, la splendeur de sa parole, le sens droit et mûr de son esprit, suppléaient déjà, en lui l’autorité de l’âge. Logé dans l’abbaye de Saint-Germain des Prés, chez son oncle, le marquis Antoine de Fénelon, qui s’y était retiré à l’ombre du cloître ; dirigé par l’expérience du supérieur de Saint-Sulpice, M. Tronson ; encouragé par Bossuet, son émule et son ami ; vivant dans la société austère du duc de Beauvilliers et des familiers les plus rigides de Louis XIV ; recherché par l’archevêque de Paris, M. de Harlay, qui voyait dans ce jeune prêtre un ornement de son diocèse, Fénelon gouverna cet ordre de femmes de son administration et de sa parole avec une sagesse prématurée. Il pouvait aspirer, sous les auspices de M. de Harlay, aux plus hautes et aux plus soudaines dignités de l’Église ; il leur préféra l’amitié stérile alors de Bossuet, évêque de Meaux,